La ville vous rend-elle malade ?
par Celia Lee
L’aménagement des villes a un effet sur les distances que l’on parcourt à pied, sur la nourriture qu’on peut acheter et sur le temps que nous passons à l’extérieur. Mais que savons-nous vraiment des liens qui existent entre l'environnement bâti et l’état de santédes gens au Canada ?
Gavin McCormack, de l'Université de Calgary, a entrepris de découvrir ce que nous savons, de constater les lacunes dans nos connaissances et d’expliquer pourquoi il pourrait être important de les combler.
« Nous savons que les gens ont davantage tendance à marcher, que ce soit par nécessité ou par plaisir, dans les villes où il est possible de le faire facilement, où des commerces, des aménagements et des installations de loisirs sont à proximité, où la densité de population est élevée, où les rues et les trottoirs sont bien interreliés et où les voies piétonnières sont en très bon état », a dit McCormack. « Mais les gens qui vivent dans ce type d’agglomérations sont-ils en meilleure santé ? Nous voulions être en mesure d'établir un lien direct entre l'environnement bâti et la santé à partir de données sur les maladies chroniques, la santé mentale, l'obésité et les blessures. »
Les résultats de cette recherche étaient prévisibles dans une certaine mesure : au Canada, il existe un lien de causalité entre l’aménagement urbain et l'obésité et le diabète. La recherche a démontré en effet que plus il y a de voies piétonnières et de quartiers où l’on trouve des épiceries et des commerces d'aliments naturels, moins les gens souffrent de surpoids et meilleure est leur santé. La densité d’une population est aussi liée aux maladies cardiovasculaires qui, elles, diminuent à mesure que la densité augmente. Pour évaluer l'environnement bâti, les études ont mesuré la « marchabilité », la proximité des services accessibles à pied, l'utilisation du sol, l'accès à des produits alimentaires sains, l'accès à la restauration rapide, la densité de la population et la densité des logements
« Nous voulions examiner et résumer les données du Canada sur les environnements bâtis et sur la santé dans le but d'informer les décideurs locaux, les urbanistes, les planificateurs des transports, les promoteurs immobiliers et les professionnels de la santé », explique Gavin McCormack. « Nous nous sommes concentrés sur les données du Canada parce que nous voulions que nos conclusions soient d'un intérêt local. Les résultats de notre étude sont aussi importants pour le grand public, car ils suggèrent que les gens doivent tenir compte de la façon dont leurs quartiers, actuels et futurs, peuvent influer sur leur santé à court et à long terme. »
« En 2014, lorsque, pour la première fois, j'ai présenté à la ville de Calgary le lien entre la santé et la forme urbaine, nous n’avions pas suffisamment de données quantitatives dans ce domaine », explique Joyce Tang, coauteure de l’étude et chargée de programme à la Division de la stratégie urbaine de la ville de Calgary. « Depuis le plan d'action de 2015, qui incluait des évaluations d'impact sur la santé, il y a une prise de conscience croissante de l'importance de ce travail pour toutes les parties impliquées dans la construction des villes. Cette recherche marque un jalon important dans ce domaine. »
Il existe aussi un lien entre les blessures subies par les gens et l'environnement bâti, mais les travaux de Gavin McCormack permettent de penser qu'il y a encore beaucoup à apprendre. Certes, les blessures sont probablement plus fréquentes lorsqu'il y a plus de circulation, mais augmenter l’interconnexion entre les rues peut aussi augmenter ou diminuer le nombre de blessures. Cela dépend vraisemblablement de l’aménagement de la rue, qui a un effet sur le comportement des gens. Toutefois, la recherche au Canada n'est pas assez précise pour nous dire exactement pourquoi et comment l’aménagement influe sur la probabilité de se blesser.
« Il est important qu’on ait accès à des données probantes sur l’effet de l'environnement bâti sur un mode de vie sain, ce qui comprend aussi la sécurité. Ce type de recherche appuie les efforts de planification et d’aménagement que les praticiens visent à inclure dans leur pratique pour créer des communautés plus fortes, plus saines et plus sûres », affirme Ryan Martinson, coauteur et ingénieur des transports chez Stantec.
Selon la recherche, il existe des liens entre la forme urbaine et le statut pondéral, la tension artérielle, le syndrome d'insulino-résistance, le diabète, la santé cardiovasculaire, les blessures et la santé mentale. La plupart des études canadiennes portent sur le surpoids et les blessures, et traitent des conséquences évitables que blessures et les maladies chroniques représentent pour les Canadiens et le système de santé.
La recherche parle aussi des connaissances qui nous manquent. Il reste encore beaucoup à apprendre sur la santé mentale et la santé des aînés au Canada, et sur l’effet que peut avoir l'aménagement urbain ; rappelons que ¼ des Canadiens seront des aînés d'ici 2034.
« Les résultats de nos travaux suggèrent qu'il faut davantage de recherche pour mieux comprendre les liens de causalité entre l'environnement bâti et les divers facteurs de santé qui ont été mesurés. De plus, de nombreuses régions du Canada ne sont pas représentées ou sont sous-représentées dans les données actuelles sur le lien entre l'environnement bâti et la santé », explique McCormack.
Si les études sur la santé et l'environnement bâti sont plus nombreuses depuis 2008 (et indiquent que nos principales maladies sont liées à l’aménagement des villes), il reste encore beaucoup à apprendre pour planifier au Canada des agglomérations sûres et saines, et pour élaborer des politiques favorables à ce genre de lieux. Il nous faut une compréhension plus détaillée des causes et des effets de la qualité de l'environnement bâti sur notre santé, compréhension qui doit aller au-delà de la simple corrélation.
L’article « Synthèse des données probantes – Examen de la portée sur les associations entre aménagement urbain et santé : les données quantitatives canadiennes » a été publié dans la revue scientifique Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada.
Un grand merci au makeCalgary Network, à l'Agence publique du Canada et aux Instituts de recherche en santé du Canada pour leur appui à cette étude.
Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec le Gavin McCormack à Gavin.McCormack@ucalgary.ca.
Image par John Campbell/Sustainable Calgary